Le côté sombre du crowdsourcing: traducteurs et photographes écopent

Capture d’écran 2013-11-21 à 12.06.14Deux initiatives coup sur coup dans le dernier mois ont mis en lumière le côté sombre du crowdsourcing (ou externalisation ouverte). En octobre, CNN et BuzzFeed annonçaient qu’ils allaient faire appel aux participants aux cours de langue du service Duolingo pour traduire leur site en espagnol, portugais et français. Exit les journalistes et les traducteurs professionnels, ce sont des internautes qui apprennent une nouvelle langue qui se chargent du travail. Les centaines de milliers d’utilisateurs vont s’échiner à traduire gratuitement des morceaux de textes et à se corriger mutuellement, une sorte de Wikipedia de la traduction, raconte Presse Citron.

Plus près de nous, le service Foap.com lançait une offensive pour recruter des agences prêtes à acheter leurs galeries de photos produites par les internautes. Il suffit de soumettre ses photos personnelles et Foap.com se charge de revendre les meilleures en prenant une commission de 50% au passage. Et les photos sont de belle qualité. Pour les sociétés et les agences, c’est une aubaine, puisqu’elles ont accès à des photos de très grande qualité pour environ 10$, une fraction de ce qu’il leur en coûte avec les services de photo de type Corbis.

Le rouleau compresseur de l’économie collaborative est impitoyable.

Hier, c’étaient les journalistes qui écopaient, aujourd’hui, les photographes et les traducteurs. Un trait commun: il s’agit de travailleurs indépendants qualifiés, fortement scolarisés et professionnalisés. Or, ces qualifications, aujourd’hui, ne sont garantes d’un meilleur revenu et d’une protection sociale adéquate, nous révèlent l’article de la sociologue Martine D’Amours dans la Revue française de sociologie. Ainsi, l’utilisation à grande échelle depuis 2010 des outils technologiques dits de « mémoires de traduction » ont favorisé l’uniformisation de la terminologie et l’essor des grands cabinets de traduction, ces intermédiaires à géométrie variable, ce qui a pour effet de nuire aux conditions d’emploi des traducteurs indépendants. Main-d’oeuvre qualifiée n’est plus garantie de bonnes conditions de travail.

Ce matin dans Le Devoir, on apprenait que les multimilliardaires Wal Mart et McDonalds lançaient des initiatives de type « panier de Noël » pour aider leurs employés à passer à travers le Temps des Fêtes. Quand « nouvelle » économie rime avec cynisme. 

Comment se faire des couilles en or dans l’industrie du vêtement

Columbia_ClubVous rappelez-vous du club de CD de la Maison Columbia? C’était il n’y a pas si longtemps, à l’époque des vinyles, des CD et des DVD. L’abonnement coûtait une misère et il vous donnait droit de recevoir par la poste une (belle?) sélection de CDs. Si vous n’aviez pas retourné les CD dans les dix jours, ils étaient à vous. Le hic! On vous envoyait toujours quelques extras sur le lot régulier qui étaient, eux, facturés au prix régulier. Avec le temps, on finissait par connaître vos préférences et les petits extras s’accumulaient au grand plaisir des actionnaires de Columbia.

Columbia est mort en 2010, mais pas le modèle d’affaires, puisque l’an dernier, le fleuron montréalais du vêtement pour hommes Frank & Oak remportait le grand prix Boomerang Infopresse du modèle d’affaires innovant (drôle d’appellation, comme si un modèle pouvait s’innover lui-même…). Le Club Frank & Oak est une brillante adaptation de la recette de Columbia: 3 items, 5 jours pour essayer. 100% gratuit, sauf si vous gardez les vêtements. Et ça marche!

Ça fonctionne d’ailleurs très bien aux États-Unis avec des Trunk Club et surtout Just Fab qui, après avoir tenté sa chance dans l’océan rouge de la vente de vêtements en ligne, a adopté en 2010 le modèle de l’abonnement. Just Fab compterait 13 millions de membres aux États-Unis, a connu une croissance de 257 % en 2012 et une diversification dans les souliers et les vêtements pour enfants, peut-on lire dans le Journal du Net.

J’admire la capacité de Frank & Oak de puiser dans les succès du passé pour se renouveler, cette fois-ci avec le modèle des soirées Tupperware. Ses fans très motivés ont ainsi mis sur pied des activités du genre 5 à 7 aux quatre coins de l’Amérique conçues pour se rencontrer, mais aussi pour se montrer à ses amis sous ses beaux atours. Étonnant!

Des startups grugent 10 G$ aux Proctor and Gamble et Unilever

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Les Proctor & Gamble et Unilever, ces géants de l’industrie des biens de consommation courante (PCG), perdent du terrain devant des PME agiles, innovantes et branchées sur le Web 2.0. Ils ont perdu 1,6 % de parts de marché, soit 10 milliards de dollars entre 2009 et 2012, rien de moins, pouvait-on lire récemment dans Advertising Age. Une glissade qui ne tient même pas compte des ventes sur le Web !

Les nouveaux gagnants du secteur: des startups et des entreprises spécialisées de moins de 100 millions $ de chiffre d’affaires.  Des entreprises qui sont agiles, capables de réfléchir, de fonctionner et d’agir comme des startups, et qui tirent profit de trois grands phénomènes concurrents:

1. Les goûts des consommateurs changent et les géants tardent à s’adapter 

Dans notre ère sociale, une expression de Nilofer Merchant que j’aime bien, on s’attend à pouvoir personnaliser ses biens et services, lesquels doivent même nous faire vivre une expérience. Un rince-bouche à saveur de pamplemousse rose et de mojito avec ça? Les marques doivent être aspirationnelles et pleinement à l’écoute de leurs clients, nous rappelle TrendWatching.com.

2. Les détaillants cherchent à se distinguer par des innovations et des produits de niche

En réponse à cette tendance, Sephora (2 milliards de ventes par année) et Walmart (faut-il le présenter?) offrent un traitement de faveur aux marques émergentes, histoire de se distinguer de la concurrence. Les détaillants déroulent le tapis rouge aux marques qui sont prêtes à apporter du soutien auprès des clientes en boutique.

3. Le commerce électronique sur le point d’exploser 

Citant l’analyste Sanford C. Bernstein, Adage estime que 5 à 9 % des ventes de ce secteur se font en ligne, où les petits acteurs sont très bien implantés, avec 25 % de leurs ventes en ligne. Et l’intention d’Amazon de bonifier son offre par l’ajout de produits exclusifs et nichés devrait les aider. Petit quizz: quelle est la marque de céréales la mieux vendue sur Amazon? Non, ce n’est pas les Cheerios…

4. Des géants empêtrés dans leur grandeur 

Un nouveau produit qui ne s’adresse pas au grand public ou à de grands segments de marché n’intéresse tout simplement pas les géants du CPG. Ces derniers ne sont pas structurés pour lancer et gérer des produits de niche et choisissent de laisser à d’autres ces segments. Le Web favorise pourtant le foisonnement d’une longue traîne (Long Tail) dans toutes les catégories. On peut vendre un nombre inimaginable de nombreux produits, chacun en petite quantité. Et le secteur des CPG en est un terreau idéal.